ANTHONY TROLLOPE_NIAGARA
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Message par Admin Jeu 3 Mar - 19:58

L’Amérique du Nord, Volume 1 (sur deux), par Anthony Trollope.

CHAPITRE VII.
NIAGARA.

De toutes les splendeurs terrestres vers lesquelles voyagent les touristes, afin d’y jeter leurs regards –- du moins, parmi celles qu’il m’ait été donné de voir ici-bas -- je décernerais volontiers la palme aux Chutes du Niagara. Au catalogue de ces merveilles, je veux inclure : tous les monuments, tableaux, statues et chefs-d’œuvre de l’art qu’aient façonnés la main de l’homme ; et de même, toutes les beautés de la Nature que le Créateur a déployées pour le plus grand bonheur de ses créatures. Ce que j’avance là est certes grandiloquent ; mais autant que l’expérience me permette d’en juger, le propos est justifié. Je ne connais nul autre endroit aussi beau, aussi glorieux, aussi formidable que celui-là. Par ces paroles, je n’entends pas dire qu’un voyageur en quête de découverte devrait absolument se rendre à Niagara. En visitant Florence, celui-ci aura l’occasion d’apprendre presque tout ce que l’art moderne peut enseigner. À Rome, il lui sera donné de comprendre la froideur de cœur, le regard inflexible, l’ambition cruelle de la vieille race latine. En Suisse, il se verra entouré d’un flot de majesté et de charme ; et s’emplira dès lors -- s’il est capable d’une telle plénitude -- d’un fleuve de rêverie. Les Tropiques lui offriront tout ce que la végétation, dans son infinie luxuriance, est capable de produire. À Paris, il trouvera le plus suprême raffinement que le monde puisse offrir, le nec-plus-ultra du chic et du pimpant. À Londres, enfin, il découvrira le sommet du pouvoir, le nec-plus-ultra du travail et de l’activité, que le monde puisse accueillir. N’importe lequel de ces voyages doit a priori -- ou plutôt, doit assurément ¬¬¬-- être plus utile qu’un séjour à Niagara. Là-bas, en effet, il y a cette unique chute d’eau. Mais celle-ci est plus gracieuse que le campanile de Giotto, plus noble encore que le temple d’Apollon. Les pics des Alpes ne sauraient être plus saisissants dans leur solitude. Les vallées des Montagnes Bleues, en Jamaïque, ne sont pas aussi verdoyantes. Tous les ors de Paris ne sont plus immuables ; le flux et le reflux des courtiers, autour de la Banque d’Angleterre, n’est plus inexorablement puissant.

Une fois, j’y ai rencontré un artiste qui s’efforçait de peindre les embruns. « Vous avez choisi un sujet difficile », lui dis-je. « Tout sujet est difficile », rétorqua-t-il, « à quiconque désire le bien traiter ». « Mais le vôtre, je le crains, relève de l’impossible », continuai-je. « Vous n’avez nul droit d’avancer une telle chose, tant que je n’ai pas fini mon tableau », s’insurgea-t-il. Je reconnus la justesse de son argument, m’excusai de ne pouvoir rester jusqu’à ce que l’achèvement de son œuvre me permette (ou non) de retirer mes propos, et m’en fus. Alors, je me pris à songer que peut-être, moi aussi, m’étais-je fixé un objectif impossible en voulant décrire ces chutes. Et je me demandai si, au fond de moi, je ressentais un tant soit peu de cette assurance qui, en toute circonstance, le rendait si heureux dans l’exécution de sa tâche. Je ne prétendrai pas qu’il est aussi difficile de décrire ce torrent d’eau vive avec des mots, que de le peindre avec talent. Mais je ne sais si l’écriture d’une description attrayante pour un lecteur, n’est peut-être pas plus ardue que la réussite d’une toile agréable à la vue... Quoi qu’il en soit, mon ami l’artiste ne craignait visiblement pas ce défi, que je m’apprête moi aussi à relever.

Que les eaux du Lac Érié descendent, en leurs cours impétueux, depuis les larges bassins du Lac Michigan, du Lac Supérieur, et du Lac Huron ; que ces mêmes eaux se déversent dans le Lac Ontario par l’étroite et véloce rivière Niagara, et que les dites « Chutes du Niagara » naissent d’une faille soudaine dans le lit de ce cours d’eau -- cela est, sans nul doute, chose déjà connue de ceux qui liront ce livre. Toutes les eaux de ces immenses lacs nordiques s’effondrent sur la brèche qui s’ouvre dans le lit rocailleux de la rivière ; d’où il résulte que le flot est ininterrompu dans sa majesté, et qu’aucun œil ne peut percevoir la moindre altération dans le volume, le bruit, ou la violence de la chute (qu’on s’y rende dans la sécheresse de l’automne, en plein cœur des tempêtes de l’hiver, ou après la fonte de ces hautes empyrées de glace, aux tous premiers jours du printemps). Combien de cascades le touriste ordinaire aura-t-il visité, dont les eaux étaient taries ? Mais à Niagara, les eaux jamais ne faiblissent. Le flot y gronde au-dessus de la corniche, et son volume jamais ne s’amoindrit ou ne disparaît -- comme c’est le cas depuis l’aube des temps, bien avant que l’homme vînt fouler ces rives, et jusqu’aux siècles lointains où le lit de la rivière se sera entièrement érodé, d'aval en amont.

Cette rivière sépare le Canada des Etats-Unis d'Amérique. La rive occidentale -- la plus reculée des deux -- appartient à la Couronne britannique, tandis que la rive orientale -- la plus rapprochée -- se situe dans l'Etat de New-York. Quiconque visite Niagara se retrouve confronté à ce dilemme : où doit-il prendre ses quartiers ? Côté canadien, ou côté américain ? Dans la partie canadienne, il n'y a aucun bourg ; mais on y trouve un grand hôtel, admirablement bien situé, faisant directement face aux chutes, et que l'on considère ordinairement comme l'emplacement idéal pour les touristes. Dans la partie new-yorkaise, est située la bourgade connue sous le nom de Niagara Falls (ou " Chutes du Niagara "). Il y a là deux grands hôtels dont la proximité par rapport aux chutes d'eau, est moins avantageuse que celle de l'établissement canadien. J'avais déjà visité Niagara trois ans auparavant ; j'avais logé au Clifton, et depuis lors je ne jure que par cet endroit-là. Cependant, lors de mon dernier séjour, la maison était fermée pour la saison. De ce fait, nous nous sommes rendus au Cataract, bâti sur la rive opposée, au sein du bourg. Désormais, je pense que j'arpenterais plutôt le côté américain, si je devais y retourner. À ce propos, je prodiguerais, à tout groupe en partance pour Niagara, des conseils adaptés à leurs habitudes et à leur nationalité. J'enverrais plutôt les Américains du côté canadien, parce qu'ils n'aiment guère la marche ; mais j'orienterais les Anglais du côté américain, sachant que ceux-ci ont davantage l'habitude de faire usage de leurs propres jambes. D'une rive à l'autre, l'accès n'est pas très aisé. Juste en dessous des chutes, il y a une navette que l'on peut emprunter pour un shilling ; mais c'est un effort considérable que de monter et descendre du bateau, et le passage en devient épuisant. Il existe également un pont ; ce dernier, toutefois, se situe à trois kilomètres en aval du fleuve, ce qui prend six kilomètres à pied ou en voiture pour le rejoindre ; le tarif est de quatre shillings (ou un dollar) pour une traversée en voiture, et un shilling à pied. Du fait des plus vastes panoramas dont on peut jouir du côté américain ; que l'île entre les deux rives ne soit, elle-même, abordable qu'à partir de la rive américaine, et non depuis le versant canadien ; et enfin, puisque c'est sur cette même île que les visiteurs aimeront le mieux s'attarder, et s'adonner à la contemplation de l'immense triomphe des eaux qui s'offrent à leur vue, je conseille à ceux de mes lecteurs ayant (un tant soit peu) confiance en leurs propres jambes, de se choisir un hôtel dans le bourg-même de Niagara Falls.


Au reste, l'endroit d'où l'on observe les chutes en premier s'avère, nous a-t-on dit, primordial. Mais je ne suis pas de cet avis. Je pense que cela importe très peu, voire pas du tout. Qu'on laisse donc le visiteur découvrir l'ensemble du site, et qu'il y découvre par lui-même l'emplacement de chaque lieu d'intérêt, afin qu'il sache se repérer par rapport aux eaux de la rivière. Une fois qu'il se sera donné cet effort, qu'il s'adonne alors aux joies du réconfort ! Je suis, au demeurant, convaincu que c'est là le meilleur moyen de se familiariser avec un nouveau lieu -- et qui plus est, le plus agréable qui soit.

Comme je l'ai dit précédemment, les chutes naissent d'une brèche dans le lit de la rivière. C'est le cas, je suppose, de toutes les cascades ; mais d'ordinaire, le flot ne s'effondre pas aussi abruptement qu'à Niagara. On ne trouve, dans aucun autre lieu connu de l'Homme, une telle configuration où une faille creusée dans le fond de la rivière est à l'origine d'un tel torrent, d'un tel tumulte d'eaux, dans des proportions aussi vertigineuses. Au-dessus des chutes, sur plus de deux kilomètres, les eaux bondissent et jaillissent dans les rapides, comme des naïades, conscientes du destin qui les attend. À cet endroit-ci, la rivière est très large mais peu profonde. Cependant, d'une rive à l'autre, elle forme de petits courants et des remous, et commence alors à révéler toute sa puissance majestueuse. Vue d'ici, au cœur de l'étendue houleuse constituée par la chute principale, la perspective est telle qu'il en devient évident qu'aucun nageur, y compris le plus agile, n'aurait la moindre chance de survivre, si le Destin l'avait précipité même dans le plus petit de ces maëlstroms. L'onde, dispersée en une infinité de gouttelettes le temps de sa chute, reflète une exquise couleur émeraude. Cette teinte, visible au lever du jour ou juste après le coucher du soleil, est si étincelante qu'elle confère à cet endroit un charme tout particulier.

Ce phénomène sera mieux appréciable à la pointe de l'île -- celle de « Goat Island », telle qu'on la nomme en anglais -- laquelle, comme vous l'aurez compris, sépare la rivière en deux, juste avant les chutes. En effet, cette île fait partie de cette corniche abrupte et précipiteuse sur laquelle s'effondre le flot ; et qui, sans doute, au fil du temps, sera aplanie et immergée par les eaux. Beaucoup d'eau, néanmoins, aura déjà coulé sous les ponts. En attendant, ce bout de terre fait peut-être un kilomètre-et-demi de circonférence, et il est recouvert d'un épais bosquet. En haut de l'île, les eaux se divisent, et descendent en deux cours différents, chacun sur son propre lit accore, formant dès lors deux chutes distinctes. Le pont qui relie l'île à la rive se trouve à plus de quatre-vingt-dix mètres sous le  « fer à cheval ». Seule, cette plus petite cascade eût fort bien pu être, selon moi, la plus grande chute d'eau au monde ; mais associée aux autres, elle forme un panorama d'une exquise beauté. Ici, l'eau n'est pas composée d'un millier de perles couleur émeraude, comme plus haut au fer à cheval ; et pourtant, elle est à l'origine de l'érosion de l'île qui s'est affaissée, formant ainsi une pente. Celle-ci ne s'ouvre pas, toutefois, sur un large abysse comme pour le fer à cheval juste au-dessus. Cette moindre chute est, à son tour, scindée ; et le visiteur, après avoir descendu un escalier taillé dans la roche, puis traversé un frêle pont de bois, se retrouve sur un îlot encore plus petit au cœur-même de ce spectacle.  

 Mais passons sans attendre à la gloire, et au tonnerre ; à la grandeur, et à la colère de ce haut Enfer d'eau et d'écume. Nous sommes toujours -- souvenez-vous -- sur l'île de Goat Island, toujours aux Etats-Unis, sur ce qu'il est coutume d'appeler « le versant américain » du tronçon principal de la rivière. En s'avançant au-delà du chemin qui mène à la moindre cascade en contrebas, l'on parvient à cet endroit de l'île où les eaux de la grande rivière commencent à descendre. De là, dévalant jusqu'à la rive canadienne, la cascade s'élance en une longue ligne ininterrompue. Mais cette ligne n'est aucunement droite ou directe. Après s'être étirée sur une courte distance depuis la rive, jusqu'à un endroit de la rivière auquel l'on accède grâce à un petit pont de bois au bout duquel, sur le roc, s'érige une tour -- après s'y être étirée, donc, la ligne de la corniche se replie vers le flot ; y plonge, y sombre, y disparaît tellement que l'on croirait que la profondeur de ce « fer à cheval » est insondable. Franche fut la main qui le tailla. Un monstrueux morceau a été extrait du milieu du roc, de sorte que la fureur des eaux y converge, et que le spectateur -- lorsqu'il contemple cette crevasse d'un œil rêveur -- s'imagine qu'il peut à peine distinguer le centre de l'abysse.

Descendez tout au bout de ce pont en bois, installez-vous à la rampe, et restez-y assis jusqu'à perdre toute notion du monde extérieur. Il n'est, à Niagara, aucun lieu qui soit plus grandiose que celui-ci. Les eaux vous entourent, vous encerclent de toutes parts. Et si vous possédez ce pouvoir d'abstraction et de méditation qui s'avère si nécessaire à la pleine appréciation d'un paysage, alors vous ne verrez rien d'autre que l'onde autour de vous. Et vos oreilles n'entendront sans doute rien d'autre ; et ce son, je vous prie encore une fois de me croire, n'a rien d'une affreuse, d'une assourdissante cacophonie de bruits épars ; non, il est mélodieux, et d'une exquise douceur, quoique rugissant comme le tonnerre. Tout cela remplit les oreilles, et d'une certaine façon les enveloppe -- mais, dans le même temps, l'on peut parler à son voisin sans effort. Toutefois, à cet endroit-ci, et dans ces moments-là, je dirais que moins il est de mots, mieux c'est. Il n'est de lieu plus grandiose que celui-ci. Ici, installé à la rampe du pont, vous ne verrez point toute la profondeur de la chute. En contemplant les plus grandes merveilles de la Nature, et de l'Art également, il n'est jamais bon, à mon goût, de tout voir. Une partie devrait toujours être laissée à l'imaginaire, et beaucoup devrait être à demi-occulté, voilé de mystère. L'un des plus grands charmes d'une chaîne de montagne, n'est-ce pas cette impression hallucinée qu'il existe, au-delà de ces sommets, d'étranges mondes inconnus et désolés, au milieu des lointaines vallées ? Et de même ici, à Niagara, ce torrent d'eaux convergentes pourrait bien s'effondrer dans un abîme de rivières infernales, pour autant qu'on puisse le voir. Quel glorieux spectacle de les voir former leur première courbe par-dessus les rocs ! Vertes, elles jaillissent telles un banc d'émeraudes / Smaragdines, elles jaillissent telles un lit de pierreries ; mais moirées de couleurs changeantes et pétillantes, comme conscientes qu'à l'instant d'après, elles seront pulvérisées en fins embruns et s'élèveront dans les airs, aussi pâles que des flocons de neige. Cette brume monte très haut ; et là, elle reste en suspension, toujours visible, à la manière d'un perpétuel nuage blanc au-dessus de la cascade. Mais la quasi-totalité de cette brume, qui remplit l'aval
dudit « fer à cheval », est semblable à une avalanche. Cette partie-là, vous ne la verrez pas entièrement depuis la rampe. Son sommet s'échappe continuellement du chaudron en deçà, mais ce même chaudron vous sera invisible. Celui-ci semble toujours si lointain, si profond, que votre propre imagination peut s'y noyer. Mais votre regard restera entièrement absorbé par la courbure de la chute. La forme que vous admirerez est celle d'un fer à cheval ; un fer à cheval incroyablement creux de l'orteil au talon. Et plus longtemps vous resterez assis à cet endroit, plus il s'approfondira. Ce qui, de prime abord, n'était que beau et grand,  devient alors gigantesque et sublime, au point que votre esprit devient incapable de trouver un épithète pour décrire cette scène/ce tableau. Pour prendre toute la mesure de Niagara, il incombe de s'asseoir ici, jusqu'à ne plus rien voir d'autre que ce pour quoi vous êtes venu. Vous n'entendrez plus rien d'autre, et ne penserez plus à rien d'autre. À la fin, vous serez en parfaite harmonie avec la chute. Vous vous tiendrez au milieu des eaux comme si vous en faisiez partie. Cette verdeur, cette fraîcheur liquide, coulera dans vos veines ; et la voix de la cascade chantera au rythme de votre coeur. Vous jaillirez comme jaillissent ces eaux brillantes, vous précipiterez -- sans hésitation, et avec sérénité -- dans ce nouveau monde qui s'offre à vous. Là, vous bondirez dans les airs comme la gouttelette qui s'envole, lumineuse, superbe et pure ! Puis, vous poursuivrez votre course jusqu'à l'océan lointain, illimité, et éternel.

Quand cet état d'esprit a été atteint, puis s'est dissipé, vous pouvez descendre de votre rampe et monter en haut de la tour. Je suis assez sceptique/circonspect/défiant vis-à-vis de cette tour, dont je n'aime pas l'aspect flamboyant/ostentatoire, qui me rappelle ces scènes romantiques parfaitement bien arrangées/disposées où l'on vous dit qu'à gauche, vous tournez vers le boudoir de la dame du château, pour une modique somme de six pence ; et qu'à droite, en haut de l’escalier, vous montez vers le lit du chevalier, pour six pence de plus, avec vue sur la tombe de l’ermite ajoutée au décor/par dessus le marché. Mais la tour en vaut néanmoins l’ascension, et sa visite ne coûte rien. Elle n'est pas très haute, et il y a un balcon tout en haut, sur lequel une demi-douzaine de personnes peuvent se tenir aisément. Ici, le mystère est perdu/évanoui, mais tout le panorama de la chute y est visible. Même à cet endroit-là, la scène n'est si parfaitement portée devant vos yeux, — exposée/présentée sous une forme si complète et intègre/absolue, que vous ne le verrez lorsque vous vous tiendrez face à elle, sur la rive opposée -- c'est-à-dire, la rive canadienne. Mais je pense qu’elle se montre/se dévoile ici avec plus de splendeur encore, [quoiqu'incomplètement]. Et ici, sur l’Île de la Chèvre (ou " Goat Island "), du côté américain, la forme de la cascade est telle qu'aucune des fines gouttelettes d'eau ne vous atteindra, même si vous êtes directement au-dessus du flot. Mais du côté canadien, la route -- à mesure qu’elle s'approche des chutes -- est toute mouillée et pourrissante à cause de l'humidité ; et vous, en vous approchant du bord, serez mouillé de même. Les arcs-en-ciel, tels qu'on les aperçoit à travers le haut nuage de brume— car les rayons du soleil, vus à travers cette cascade, se montrent en un faisceau polychrome comme à travers une averse — les arcs-en-ciel, dis-je, sont très jolis, et sont énormément appréciés/font la joie des visiteurs. Pour ma part, je n'ai cure de cette " beauté " à Niagara. C’est là, [devant mes yeux], mais je l’oublie, — et peu m'importe à quelle vitesse, ni avec quelle facilité.

Mais pour l'heure, nous sommes encore en haut de la tour ; et je dois avouer que bien que j'accepte -- de mauvais gré -- sa présence, je ne tolère pas l'atroce obélisque récemment bâti juste en face, sur le versant canadien, au-dessus de la chute ; qu'on a construit apparemment (car je ne m'y suis pas rendu moi-même) dans l'idée de monter une sorte de " chambre noire " dont le projecteur devrait, selon toute décence chrétienne, être installé à Coventry. À un endroit tel que Niagara, les bâtiments de mauvais goût, élevés dans des lieux inappropriés et dans le seul but de récolter de l'argent, sont peut-être un mal nécessaire. Ou peut-être ne sont-ils pas un mal du tout, peut-être procurent-ils plus de plaisir que de peine, étant donné qu'ils contribuent aux joies de la multitude. Mais il existe des édifices répondant à cette description qui hurlent aux dieux par la seule force de leur laideur et de leur mauvais emplacement. Les concernant, on peut admettre qu'il devrait exister quelque part un pouvoir capable de les réduire à néant dès leur naissance. Cet obélisque, ou bâtiment photographique/à projection optique, fait partie de ceux-là.
À présent nous traversons les eaux, et avec cet objet [en vue], nous traversons le pont hors de Goat Island, sur la terre ferme du versant américain. Mais ce faisant, laissez moi vous informer que l'un des grands attraits de Niagara consiste en ceci : à savoir, qu'en plus de cet objet époustouflant et merveilleux, on y trouve tellement de beauté dans les petites choses, j'entends en particulier la beauté des eaux. Il y a de tout petits cours d'eau ici et là, au-dessus de charmantes petites chutes -- en haut desquels, sont suspendues des branches ; et au fond desquels, brillent des cailloux. Alors que l'explorateur se tient là et contemple les frondaisons, les rapides scintillent à travers les arbres, puis se dissimulent derrière les îles. Ils scintillent et brillent de loin à travers les feuillages éclatants, jusqu'à ce qu'ils deviennent un souvenir, et que personne ne sache plus quel chemin ils empruntent. Et puis il y a cette rivière en contrebas, avec son tourbillon -- mais nous y viendrons un peu plus tard, ainsi qu'au voyage démentiel parcouru à travers les rapides par ce capitaine fou ayant bravé tous les écueils, au péril de sa propre vie -- combattant seul contre cinquante -- afin que la propriété d'un autre homme soit sauvée des mains du Shérif.


La meilleure façon de rejoindre le bord canadien est par le traversier ; et depuis la rive américaine, cela est chose très agréable. Vous allez dans telle petite maison, et y payez vingt cents. De là, vous montez à bord d'une voiture en bois de forme merveilleuse, et en actionnant une manette/une manivelle, vous voilà entraîné en avant, sur un plan incliné d'une terrible déclivité, à un rythme très rapide. En jetant un coup d'oeil vers la rivière en contrebas, vous vous apercevez que si la corde par laquelle vous êtes retenu venait à se rompre, vous tomberiez, de fait, en chute libre ; et trouveriez votre dernière demeure au fond de ladite rivière. Comme je l'ai descendue quelques dizaines de fois sans jamais me faire mal, je ne présume pas/il n'y a pas de raison que vous serez/soyez moins chanceux. Tout en bas, il y a un bateau généralement prêt à partir. S'il n'est pas là, l'endroit s'avère idéal pour une halte de dix minutes, la chute la plus faible étant toute proche, et la plus puissante en pleine ligne de mire. En voyant la rapidité de la rivière, vous pourriez penser que le passage doit en être dangereux et difficile. Mais aucun accident ne s'est jamais produit, et le jeune homme qui vous transporte semble le faire avec suffisamment d'aisance. La promenade jusqu'à la colline, de l'autre côté, est tout autre chose. Celle-ci est très abrupte, et sera même jugée désagréable par les personnes qui n'ont pas de bonnes facultés locomotives. Cependant, en pleine saison, les voitures attendent généralement à cet endroit-là. Pour une si courte distance, je n'ai jamais voulu faire confiance à d'autres jambes que les miennes, mais j'ai remarqué que les Américains sont toujours à la traîne. J'ai vu de jeunes hommes célibataires de dix-huit à vingt-cinq ans dont l'apparence extérieure ne reflète en rien le fainéantisme d'une vie luxueuse, se faire pousser à eux tout seuls dans des voitures, sur des distances qu'une saine et robuste dame anglaise de cinquante ans considèrerait comme insignifiantes. Personne, à part les vieillards et les infirmes, ne devrait avoir besoin d'une charette pour visiter Niagara. Mais apparemment, ce commerce de charettes est l'affaire la plus rentable du coin.


Dernière édition par Admin le Jeu 30 Juin - 20:24, édité 11 fois

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Message par Admin Mar 8 Mar - 19:17

Voici la définition (ancienne) de " correct " selon l'OED :

2. In accordance with an acknowledged or conventional standard, esp. of literary or artistic style, or of manners or behaviour; proper.

(littéralement : regard conformiste, conforme aux mœurs d'un pays/d'une époque)


4. Of persons: Adhering exactly to an acknowledged standard:

Conforming to a dominant political or ideological orthodoxy:

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Message par Farah Mer 9 Mar - 21:59

C'est donc bien l'idée de voir les choses de façon identique par l'ensemble des citoyens de Rome...sacré "correct eyes"!

Farah

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Message par Admin Mer 9 Mar - 22:04

Oui, l'idée d'un regard qui ne dévie pas... On parlerait aujourd'hui de " conformisme ".

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Message par Farah Mer 9 Mar - 22:26

D'accord, j'ai saisi le sens à présent...

Farah

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Message par Morgane.D Sam 12 Mar - 16:18

Pour "correct eye" j'avais pensé à "le regard inflexible/intraitable" ?

Morgane.D

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Message par Admin Sam 12 Mar - 17:27

Excellente idée ! Oui, il faut nous éloigner de cette idée de " droiture morale ".

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Message par Admin Dim 13 Mar - 12:04

http://nyfalls.com/dev/wp-content/uploads/2012/12/lake-elevation.gif

TRADUCTION_VERSION DU TEXTE AU 30/06/2016 Lake-elevation

" the upper (of the two lakes) ", donc il s'agit apparemment du Lac Erié.

Je pense qu'il est davantage question de l'érosion du sol/du lit de fleuve plutôt du " charriement " des pierres et gravats, qui devraient, en toute logique, être entraînés dans le sens des chutes et de la rivière, c'est-à-dire vers le bas.

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Message par SabrinaH Ven 18 Mar - 17:04

Bonjour,
Je préfère conserver les termes "Clifton House" et "Cataract House", "si je devais y retourner", "adaptés", "et non de la rive canadienne", "préfèreront" et "face à eux".
Je ne suis pas favorable à l'ajout de "[par l'esprit]"car je ne trouve pas qu'il ait sa place dans la phrase. On ne peut pas "s'attarder et d'adonner" par l'esprit.

Merci pour votre travail.

SabrinaH

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Message par Ophélie Dim 20 Mar - 23:00

Bonsoir,

Pour ma part je préfère "j'avais logé au Clifton/au Cataract" puisque dans le paragraphe précédent on parle d'hôtels, je trouve ce choix de mot plus adapté et logique (et le fait qu'on utilise le mot "maison" par la suite me perturbe un peu). Comme Sabrina je serais d'avis de mettre "si je devais y retourner" et "adaptés". Par contre je suis pour la formule "et non depuis le versant canadien" que je trouve plus exotique et adaptée au ton du texte. Ensuite, j'aime mieux "préféreront" et "qui s'offre à leur vue", je trouve que ça met plus en valeur le paysage. Enfin, je suis d'avis d'utiliser simplement "réconfort", et d'ajouter le "qui soit" à la fin, je trouve la phrase plus agréable avec ce petit ajout.

Bonne soirée

Ophélie

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